Le syndrome de West

Etat actuel des connaissances 


Le syndrome de West est une encéphalopathie épileptique associant, chez un nourrisson de 3 à 7 mois, des spasmes axiaux survenant en salve, une régression psychomotrice et une hypsarythmie sur l’électroencéphalogramme (EEG) intercritique. Les spasmes sont brefs, en flexion le plus souvent, parfois en extension, avec contraction simultanée des muscles fléchisseurs et extenseurs. Ils sont fréquemment suivis de pleurs. La contraction peut ne concerner que le cou ou simplement comporter une élévation des yeux(1). Ces spasmes surviennent en salves de 20 à 30, se répétant à une fréquence pseudo-régulière, toutes les 5 à 20 secondes ; ils sont favorisés par la somnolence ou la tétée. Dès le début des spasmes, il est possible de noter une régression psychomotrice, ou un ralentissement du développement psychomoteur. L’EEG intercritique est pathognomonique, montrant une hypsarythmie, soit une « activité d’ondes lentes et de pointes irrégulières, changeant à chaque instant de durée et de topographie, semblant par moments être focales, puis semblant être multifocales, et à d’autres moments encore devenant généralisées, mais sans jamais prendre un aspect répétitif rythmique » (2). Les spasmes infantiles guérissent spontanément après quelques semaines ou mois dans 6 à 15 % des cas (1). Soixante-douze à 99 % des sujets ne présentent plus de spasme à l’âge de 5 ans (2). En fonction de l’étiologie sous-jacente et du traitement administré, l’évolution se fait soit vers un décès avant l’âge de 2 ans, soit vers des séquelles neuro-psychiatriques (trouble du spectre autistique, agnosies, retard mental plus ou moins sévère), soit parfois vers une guérison complète. 

Description princeps 


L’histoire du syndrome de West est avant tout l’histoire d’un père dépassé par la maladie de son fils. C’est en effet dans une lettre poignante publiée dans le Lancet que, le 13 février 1841, le jour du premier anniversaire de James Edwin, le Dr William West s’adressait à la communauté médicale, débutant ainsi : « […] As the only case I have witnessed is in my own child, I shall be very grateful to any member of the profession who can give me any information on the subject, either privetaly or through your excellent Publication. ». « Comme le seul cas que j’ai pu observer est celui de mon propre fils, je serais vraiment reconnaissant à n’importe quel membre de la profession qui pourrait me donner des informations sur le sujet, en privé ou via votre excellente Publication ».
Pour la première fois, une description très précise de la symptomatologie des spasmes infantiles allait être réalisée. James Edwin avait eu un développement psychomoteur parfaitement normal jusqu’à l’âge de 4 mois et demi, où il commença à présenter des mouvements d’élévation des globes oculaires, deux à trois fois par jour pendant plusieurs jours. Puis, en parallèle  d’une régression psychomotrice (« […] he neither possesses the intellectual vivacity or the power of moving his limbs, of a child of this age »- il ne possède plus la vivacité intellectuelle ou la capacité de bouger ses membres d’un enfant de cet âge), son père nota des mouvements de flexion de la tête en avant, initialement peu fréquents, puis de plus en plus nombreux (jusqu’à 60 par jour) et intenses. Ces mouvements de flexion de la tête étaient suivis d’un relâchement immédiat, et se répétaient avec un intervalle de quelques secondes, durant des salves de crises pouvant aller jusqu’à trois minutes, deux à trois fois par jour. Après chaque spasme, l’enfant semblait apeuré et pouvait émettre un cri. Chaque jour, pendant 7 mois, l’enfant présenta les mêmes spasmes. Puis, après un intervalle libre de quelques jours, les « convulsions » reprirent, à la différence près qu’à la place de la flexion de la tête, il était noté une élévation des membres supérieurs, une rupture de contact et une asthénie au décours.
W.J.West, attribuant initialement ces symptômes à une irritation du système nerveux due à la poussée dentaire, essaya un traitement à base de sangsues, d’applications à froid sur la tête, de purgatifs, d’anti-inflammatoires, d’incision des gencives et de bains chauds. Malheureusement, il ne put noter qu’une augmentation du nombre de crises, et eu alors recours à des sédatifs, des sirops de pavots, de ciguë, de calomel, de l’opium, sans efficacité notable. A l’âge de 7 mois et alors que James Edwin avait sorti ses quatre premières dents, il n’était pas noté d’amélioration. Dépourvu de nouvelles ressources, le Dr West emmena son fils à Londres, où il rencontra les docteurs Clarke et Locock. Le Dr Clarke avait suivi quatre cas similaires dans sa carrière, qu’il appelait  « crises de salaam », en référence au salut oriental. L’un de ces quatre cas avait intégralement récupéré, l’autre était devenu paralysé et était décédé à l’âge de 17 ans. On proposa au Dr West de frictionner la colonne vertébrale de son fils avec des onguents stimulants, et de lui administrer une mixture contenant des aloes ; cela ne permit pas de faire céder les spasmes.
William Newham, médecin de Farnham qui s’intéressait à l’épilepsie, se vit remettre le journal intime de Mary West, 6 mois après la mort de son époux, journal qui lui permit de rassembler les descriptions cliniques du cas de James Edwin et de trois autres cas similaires dans un travail intitulé « History of four cases of eclampsia nutans, or the 'salaam' convulsions of infancy, with suggestions as to its origin and future treatment », publié en 1849. C’est grâce à cette publication que l’on connait l’évolution de James Edwin. Il semblerait qu’à l’âge de 3 ans, l’enfant cessa de présenter des spasmes, put commencer à marcher mais fut toujours incapable de parler ou de se nourrir seul. Il présenta dans les suites plusieurs crises d’épilepsie, le plus souvent dans un contexte fébrile. A l’âge de 7 ans, la parole et l’autonomie n’étaient toujours pas acquises. Il est probable qu’il présenta alors des signes de la sphère autistique : il semblerait qu’il eut à cette époque des accès de rire immotivé et de "roulements de tête". Il était également attiré par la musique et les couleurs joyeuses. Il fut envoyé en asile de sourds et muets, puis dans un « asile pour idiots », où il commença à émettre quelques mots. James mourut à l’âge de 20 ans, semble-t-il de tuberculose.
Il fallut attendre les années 1950 pour que l’hypsarythmie soit décrite sur l’électroencéphalogramme des sujets atteints de spasmes infantiles. Les années 1960 furent marquées par un colloque organisé entre autres par Henri Gastaut à Marseille, au décours duquel le nom « d’Encéphalopathie myoclonique infantile avec hypsarythmie » fut adopté. Cependant, on reconnut au cours de ce colloque l’important du nom West, et l’on décida de ne parler de Syndrome de West lorsque l’on se référerait à l’aspect historique de la pathologie. Toutefois, c’est le terme qui reste la plupart du temps utilisé de nos jours...

Références 

1.         Roger J, Bureau M, Dravet C, Genton P, Tassinari CA. Les syndromes épileptiques de l’enfant et de l’adolescent. John Libbey Eurotext; 2005. 624 p.
2.         Gibbs EL, Fleming MM, Gibbs FA. Diagnosis and prognosis of hypsarhythmia and infantile spasms. Pediatrics. 1954 Jan;13(1):66–73.
3.         Lux AL. West & son: the origins of West syndrome. Brain Dev. 2001 Nov;23(7):443–6.
4.         Eling P, Renier WO, Pomper J, Baram TZ. The mystery of the Doctor’s son, or the riddle of West syndrome. Neurology. 2002 Mar 26;58(6):953–5.
6.         On a peculiar form of infantile convulsions. Dr. W.J.West, Lancet, 1841.pdf.
7.         Newnham W (William). History of four cases of eclampsia nutans, or the “salaam” convulsions of infancy, with suggestions as to its origin and future treatment [Internet]. Manchester : W. Irwin; 1849. 30 p. Available from: http://archive.org/details/b30560111

Commentaires

Articles les plus consultés