Le syndrome de Lennox-Gastaut
Etat actuel des connaissances
Le syndrome de
Lennox-Gastaut (LGS) est une encéphalopathie épileptique de l’enfant, définie
par une triade associant des crises d’épilepsie polymorphes
pharmaco-résistantes, un pattern EEG spécifique montrant des décharges de
pointes-ondes lentes (<2,5Hz) sur un rythme de fond ralenti ou une activité
rapide diffuse dans le sommeil, et une déficience intellectuelle. Il débute en
général avant l’âge de 8 ans (33), même si des cas plus tardifs ont déjà été décrits(34) ; le ratio homme/femme est à 1,5 (35). Sa prévalence, sur l’ensemble des patients épileptiques, est
d’environ 2% (36). Si l’’étiologie du syndrome de Lennox-Gastaut (LGS) est identifiée
dans 65 à 75% des cas (génétique, métabolique ou structurelle), elle peut parfois
être inconnue ; dans 20% des cas, il fait suite à un syndrome de West. La
déficience intellectuelle est cliniquement apparente dans 20 à 60% des cas au
moment du diagnostic, mais ne sera parfois dévoilée qu’ultérieurement,
s’aggravant considérablement dans les cinq premières années d’évolution chez la
grande majorité des patients (37). De rares enfants (10-20%) n’ont pas de déficience manifeste mais
présentent uniquement des difficultés sous-cortico-frontales, pouvant les gêner
dans la vie quotidienne (notamment en termes de rapidité de traitement de
l’information). Les crises peuvent être toniques, parfois subtiles car
présentes en grand majorité dans le sommeil non paradoxal (33). Elles peuvent être des absences atypiques, pouvant parfois passer
inaperçues chez des enfants avec déclin cognitif, rendant ainsi tout son
intérêt à l’enregistrement vidéo-EEG prolongé ; enfin, elles peuvent être
atoniques, avec chutes parfois traumatiques. Deux tiers des patients
présenteront un état de mal épileptique non convulsivant au cours de
l’évolution de leur maladie, pouvant durer plusieurs heures (37). Le traitement du LGS associe le traitement de la cause, lorsqu’elle
est identifiable, au traitement des crises d’épilepsie ; si une grand
majorité des traitements antiépileptiques peut être utilisée à cette fin, le
Valproate, la Lamotrigine, le Topiramate et le Clobazam, souvent en
association, sont ceux qui ont montré le plus d’efficacité (38). Certains traitements, tels que la Phénytoïne, la Carbamazépine,
l’Oxcarbazépine, la Gabapentine et le Vigabatrin peuvent aggraver l’épilepsie (39). Tandis que la stimulation du nerf vague reste le traitement de choix
pour les chutes atoniques pharmacorésistantes, il est également possible de
proposer du Cannabidiol (40) ou un régime cétogène pour les autres crises, afin d’en réduire la
fréquence. Le pronostic du LGS reste pauvre à long terme, notamment en ce qui
concerne l’épilepsie, mais également pour les fonctions cognitives (94,7% des
patients ont une déficience intellectuelle modérée à profonde).
Description princeps
Pionniers de
l’électro-encéphalographie, Gibbs et Lennox décrivent en 1939 un nouveau
pattern de pointes-ondes lentes à 2,5 cycles par secondes, qu’ils nomment
« petit mal variant », par opposition au « petit mal »,
aujourd’hui appelé « absence typique », avec pointes-ondes à 3 cycles
par secondes (Figure )
(52).
Figure (Gibbs et Lennox, 1939). Type d’anomalies retrouvées dans l’épilepsie et
les différentes crises avec lesquelles chacune est associée : Grand Mal Seizure (crise grand mal), Petit Mal seizure (crise petit mal), et Petit
Mal Variant (variante du petit mal).
En 1945, Lennox reconnait
un corrélat clinique à ce pattern, sous forme d’une triade associant les
anomalies EEG, un retard psychomoteur, et trois types de crises d’épilepsie
(myocloniques, absences atypiques et chutes) (53–55). Dans les
années 50 et 60, il complète sa description avec une étude portant sur les
comparaisons cliniques et électroencéphalographiques de 200 patients avec
pointes-ondes lentes diffuses à 200 patients avec pointes-ondes rapides (47,53). Il remarque que le premier groupe est marqué par un âge de début plus
précoce, la présence d’un retard psychomoteur, la présence fréquente de lésions
cérébrales, d’absences atypiques, de brèves crises avec chutes, d’une pharmacorésistance
et d’anomalies EEG sous forme de ralentissement de l’activité de fond et
d’anomalies focales. Ces descriptions, portant quasi exclusivement sur un
diagnostic EEG et intéressant ainsi principalement les neurophysiologistes, sont
finalement mises de côté pendant plusieurs années ; seul Sorel, en 1964,
semble s’y intéresser à travers un article intitulé : « L’épilepsie myokinétique grave de la
première enfance avec pointe-onde lente et son traitement (petit mal variant) »
(54).
Il faut attendre la
thèse de Charlotte Dravet en 1965, rédigée sous la direction d’Henri Gastaut à
Marseille, et publiée par ce dernier en 1966, pour que l’intérêt du monde
médical soit pleinement relancé (54). Pour l’occasion, le « petit mal variant » est renommé
« encéphalopathie épileptique de l’enfant avec pointes-ondes lentes
diffuses », à cause du terme « petit mal », généralement utilisé
en électroencéphalographie mais pas en clinique, et qui est à cette époque revu
par la commission de terminologie de l’ILAE. De même, les crises étant convulsives ou non,
tonique ou clonique, ou encore atonique, et ne pouvant se résumer à ce seul
terme, « myokinétique » est abandonné. Les auteurs insistent dès le
résumé sur le fait qu’ « un pareil tableau diffère peu de
celui fourni par Lennox et col. il y a une quinzaine d'années », et
proposent ainsi de l’appeler « syndrome de Lennox » ; c’est Markand, en 1977, qui introduira l’appellation « syndrome de
Lennox-Gastaut »(58).
Fondée sur l’observation
des cinquante patients de Dravet et de cinquante autres, cette longue étude est
la base de la description moderne du syndrome. Les auteurs remarquent que l’EEG
déroule une activité de fond parfois normale mais le plus souvent ralentie, sur
laquelle viennent s’inscrire des bouffées de pointes-ondes lentes diffuses,
fréquemment assez longues, et rarement provoquées par la stimulation lumineuse
intermittente au contraire des épilepsies généralisées « primaires ».
Dans le sommeil, inversement aux pointes-ondes du petit mal, ces anomalies sont
plus nombreuses, en général altérées, prenant un aspect de bouffées de pointes
rythmiques à 10 cycles/secondes, amples, rappelant la phase tonique du « grand
mal » décrite par Lennox et Gibbs (Figure). Or,
ces anomalies, les rythmes « recrutants » (dont l’amplitude va
crescendo), ne sont jamais accompagnées de crises grand mal (crises
tonico-cloniques généralisées) ; en revanche, elles sont concomitantes de
crises toniques. Cette étude est ainsi réputée être la première à rattacher les
crises toniques et les rythmes recrutants au SLG, que Lennox et Gibbs n’avaient
malheureusement pas considérés comme étant un élément caractéristique, se
privant alors d’une description complète du syndrome (52,56). En effet, Anne Beaumanoir, neurologue et neurophysiologiste de
l’Ecole de Marseille, montrera en 1981 via une étude évolutive de 103 patients
diagnostiqués « syndrome de Lennox-Gastaut » que le diagnostic est
fréquemment erroné lorsque la triade (pointes-ondes lentes, retard mental et
crises multiples) est incomplète, en particulier lorsque les crises toniques
avec rythmes recrutants sont absentes (57). Dans cette étude extrêmement intéressante, elle insistera également
sur le critère non pathognomonique des pointes-ondes lentes dans le SLG, allant
à l’encontre de ce que soutenait son patron, Henri Gastaut (54). Elle soulignera tout de même que ces dernières sont indispensables au
diagnostic car persistantes dans l’évolution clinique.
Références
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