Le syndrome de Dravet


Etat actuel des connaissances

Le syndrome de Dravet est une encéphalopathie épileptique infantile rare, avec une incidence estimée à moins d’une naissance sur 20 000 à 30 000 en France en 1992 (52). Il se manifeste pour la première fois chez un nourrisson âgé de moins d’un an, au développement psychomoteur jusqu’alors normal, et sans antécédent médical personnel (de nombreux cas ont par contre des antécédents familiaux d’épilepsie ou de crises fébriles) (53). La première crise est en règle général fébrile, clonique, généralisée ou unilatérale, et plus longue qu’une crise fébrile simple. L’enfant présente ensuite d’autres crises fébriles ou non (parfois déclenchées par une vaccination, un bain chaud, une activité physique avec élévation de la température corporelle), cloniques ou tonico-cloniques, mais également des myoclonies, des absences atypiques et des crises focales prolongées, parfois à bascule, devenant rapidement pharmacorésistantes (53,54). En parallèle, au cours de la deuxième année de vie, on note un retard de développement psychomoteur, qui sera considéré comme déficit cognitif définitif après l’âge de 4 ans, chez un enfant qui présentera également un comportement de refus et une hyperkinésie, ainsi qu’une ataxie (53). Les EEG sont initialement normaux, puis montreront des pointes-ondes rapides, des anomalies focales paroxystiques ou des ralentissements focaux (essentiellement post-critiques).  Depuis Claes en 2001(55), qui a mis en évidence une mutation du gène SCN1A chez des enfants atteints de syndrome de Dravet (mutation également retrouvée dans d’autres maladies épileptiques), de nombreuses études se sont attachées à recherche des facteurs génétiques à ce syndrome, retrouvant d’autres mutations, comme celle du gène PCDH19, en faisant un modèle de canalopathie (56). L’évolution à long terme est en grande majorité des cas défavorable, avec la persistance de crises et une atteinte cognitive sévère. On sait désormais que certains traitements antiépileptiques sont à éviter, comme la Carbamazépine qui majore les myoclonies, ou encore la Lamotrigine (54). Le Cannabidiol, en revanche, étudié récemment comme traitement adjuvant dans le syndrome de Lennox-Gastaut et dans le syndrome de Dravet, a montré une efficacité significative, toutefois modérée (57).

Description princeps


Alors médecin résident au Centre Saint Paul, Charlotte Dravet occupait une villa dans l’enceinte du bâtiment, entre les services médicaux et les pavillons qui accueillaient des enfants épileptiques venant de toute la France en observation (61). Nombre d’entre eux étaient adressés à ce centre, diagnostiqués porteurs d’un syndrome de Lennox-Gastaut, dont la description venait d’être complétée par Dravet elle-même sous la direction d’Henri Gastaut. Or, parmi ces patients, certains étaient atteints d’une maladie épileptique qui différait du syndrome de Lennox-Gastaut sur certains points : tout d’abord, l’âge de début était systématiquement inférieur à un an, avec une première crise clonique et non tonique survenant en contexte fébrile. Puis, ces patients étaient tous atteints de myoclonus, mais ne chutaient pas comme cela peut être observé dans les crises toniques. Enfin, le type de déclin cognitif n’était pas le même et contrairement au SLG, aucune lésion cérébrale n’était mise en évidence. Introduisant le concept d’épilepsie myoclonique sévère du nourrisson, Dravet en fit une courte description en langue française dans la revue « La Vie Médicale » n°8 de mars 1978 (62), qui n’eut pas le retentissement escompté.





Il fallut attendre la visite du Professeur Dalla Bernardina à Marseille pour obtenir une première publication internationale de ce syndrome en 1981 (sur une série commune de 42 patients), au XIIIème Congrès International de l’Epilepsie à Kyoto (63).


Peu de temps après, d’autres cas furent décrits au Japon par Ogino (64), chez lesquels il existait vraisemblablement une forme frontière, caractérisée par l’absence de myoclonie. C’est pour cette raison, et parce qu’il ne s’agit pas d’une forme d’épilepsie limitée à l’enfance, que le terme éponyme Syndrome de Dravet fut adopté par la Commission de Classification et de Terminologie de l’ILAE en 1989 (65).
Les années qui suivirent furent marquées, outre par le rapport de nombreux cas similaires dans le monde entier, par les découvertes génétiques : tandis qu’une mutation du gène SCN1A était mise en évidence chez des familles atteintes d’épilepsie généralisée avec crises fébriles plus (GEFS+) en 2000 (66), Claes et ses collaborateurs testèrent  sept enfants atteints de syndrome de Dravet (syndrome fréquemment retrouvé dans des familles GEFS+), et trouvèrent une mutation SCN1A chez tous ces patients (55). Cette étude fut la première d’une longue série qui confirma l’origine génétique du syndrome de Dravet et de ses formes frontières : on mit en évidence de nombreuses mutation de novo, du gène SCN1A, présentes chez 80% des patients, mais également d’autres mutations, telle PCDH19 mise en évidence en 2009 (67)

Références


52.       Yakoub M, Dulac O, Jambaqué I, Chiron C, Plouin P. Early diagnosis of severe myoclonic epilepsy in infancy. Brain Dev. 1992 Sep;14(5):299–303.
53.       Dravet C. The core Dravet syndrome phenotype. Epilepsia. 2011 Apr;52 Suppl 2:3–9.
54.       Dravet C. Severe myoclonic epilepsy in infants and its related syndromes. Epilepsia. 2000;41 Suppl 9:7.
55.       Claes L, Del-Favero J, Ceulemans B, Lagae L, Van Broeckhoven C, De Jonghe P. De novo mutations in the sodium-channel gene SCN1A cause severe myoclonic epilepsy of infancy. Am J Hum Genet. 2001 Jun;68(6):1327–32.
56.       Dravet C. How Dravet syndrome became a model for studying childhood genetic epilepsies. Brain J Neurol. 2012 Aug;135(Pt 8):2309–11.
57.       Devinsky O, Nabbout R, Miller I, Laux L, Zolnowska M, Wright S, et al. Long-term cannabidiol treatment in patients with Dravet syndrome: An open-label extension trial. Epilepsia. 2019 Feb;60(2):294–302.
58.       Dravet C, Bureau M. L’epilepsie myoclonique benigne du nourrisson. Rev Electroencéphalographie Neurophysiol Clin. 1981 Dec 1;11(3):438–44.
59.       Bureau M, Genton P, Dravet C, Delgado-Escueta AV, Tassinari CA, Thomas P, et al. Syndromes épileptiques de l’enfant et de l’adolescent - 5e édition [Internet]. [cited 2019 Jun 30]. Available from: https://www.jle.com/fr/ouvrages/e-docs/syndromes_epileptiques_de_l_enfant_et_de_l_adolescent_5e_edition_297677/ouvrage.phtml
60.       Talairach J, Bancaud J, Bonis A, Szikla G, Tournoux P. Functional stereotaxic exploration of epilepsy. Confin Neurol. 1962;22:328–31.
61.       Epilepsy Action. Interview with Charlotte Dravet [Internet]. Available from: https://www.youtube.com/watch?v=kCl2OACp15c
62.       Dravet: Les epilepsies graves de l’enfant - Google Scholar [Internet]. [cited 2019 Jun 30]. Available from: https://scholar.google.com/scholar_lookup?title=Les%20%C3%A9pilepsies%20graves%20de%20l%E2%80%99enfant&author=C.%20Dravet&journal=Vie%20Med&volume=8&pages=543-548&publication_year=1978
63.       Akimoto H. Advances in Epileptology: The XIIIth Epilepsy International Symposium. Raven Press; 1982. 570 p.
64.       Ogino T, Ohtsuka Y, Amano R, Yamatogi Y, Ohtahara S. An investigation on the borderland of severe myoclonic epilepsy in infancy. Jpn J Psychiatry Neurol. 1988 Sep;42(3):554–5.
65.       Dravet C, Bureau M, Dalla Bernardina B, Guerrini R. Severe myoclonic epilepsy in infancy (Dravet syndrome) 30 years later. Epilepsia. 2011 Apr;52 Suppl 2:1–2.
66.       Escayg A, MacDonald BT, Meisler MH, Baulac S, Huberfeld G, An-Gourfinkel I, et al. Mutations of SCN1A, encoding a neuronal sodium channel, in two families with GEFS+2. Nat Genet. 2000 Apr;24(4):343–5.
67.       Depienne C, Bouteiller D, Keren B, Cheuret E, Poirier K, Trouillard O, et al. Sporadic infantile epileptic encephalopathy caused by mutations in PCDH19 resembles Dravet syndrome but mainly affects females. PLoS Genet. 2009 Feb;5(2):e1000381. 

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