William Gordon Lennox





C’est en 1884, à Colorado Springs, que naquit William Gordon Lennox, fils de William Lennox et de Belle Cowgill, second d’une fratrie de trois. Elevé dans la religion Méthodiste, Bill apprit, tout petit déjà, l’importance du don : financier, en voyant son père  faire des offrandes à l’Eglise Méthodiste, au Colorado College, et à d’autres institutions, tandis que sa mère fondait, entre autres, un orphelinat et un hôpital (41) ; mais c’est surtout l’abnégation qui lui fut enseignée. Encouragé par sa mère à prendre le chemin de la religion, William rencontra après le lycée un certain Edward C. Schneider, qui le convainquit d’étudier la médecine dans le but de se dévouer de manière plus effective au Service Chrétien. C’est ainsi qu’en lieu et place d’une inscription à la Faculté de Théologie de Boston, où il n’aurait de toute manière pas été admis en raison de lacunes en latin et grec, Bill déposa sa candidature à la Faculté de Médecine de Harvard (Harvard Medical School) (42). Son immense carrière médicale aurait pu être avortée sur le champ, puisqu’il rencontra un ophtalmologue qui le déclara malvoyant dans l’année…Bill, abandonnant toute carrière médicale, travailla un temps dans un ranch, duquel il se lassa très vite pour finalement revenir vers la médecine, préférant être médecin malvoyant que non médecin. Pour couronner le tout, sa candidature à Harvard fut mise de côté par les recruteurs, devant des lacunes en chimie. Lennox parvint à rencontrer l’un des pionniers de la chimie clinique, qui devant tant de sérieux et de motivation, lui donna sa chance (41).
Il fit la connaissance de sa future épouse, Emma Buchtel, fille du recteur de l’Université de Denver, alors qu’il était encore étudiant, en 1908, et l’épousa en 1910. Belle, éduquée et charmante, Emma l’encouragea dans ses études, et l’aida à se lancer dans une carrière de médecin missionnaire ; c’est ainsi qu’après avoir quitté Harvard, Lennox prit la route pour la Chine avec Emma et leurs deux filles, Margaret et Mary Belle, où il resta quatre ans, exerçant pour l’Eglise Méthodiste (41,42). Là, alors que la fille de l’un de ses amis, âgée de 8 ans, était atteinte d’épilepsie, il commença à s’intéresser à cette pathologie, alors enfermée dans les peurs et les superstitions. Ce n’est que parce que ses filles avaient développé plusieurs maladies orientales, que Lennox se résolut à rentrer à Boston, où il se lança dans la recherche médicale, rejoignant Stanley Cobb, Professeur de Neuropathologie à Harvard. Fasciné par la Chine et par ses habitants, il n’y revint qu’une fois, en 1928, pour réaliser une enquête de santé (43).

C’est dans le laboratoire de Cobb que Lennox, débordé par ses idées et par le travail, engagea la jeune Erna Leonhardt, puis Frederic Gibbs (qui se marieront plus tard pour former le couple de chercheurs non moins connu Gibbs et Gibbs). Trio prolifique, Lennox, Gibbs et Gibbs conduisirent des années durant des recherches sur la circulation vasculaire cérébrale chez les patients épileptiques. A ce moment, la communauté scientifique croyait le « spasme vasculaire » responsable des crises d’épilepsie, ou classait l’épilepsie dans les pathologies psychiques. Après avoir démontré que le flux sanguin cérébral n’était pas modifié chez les patients en pré- et post-critique, et avoir étudié de nombreuses manières les modifications chimiques du flux sanguin cérébral (faisant ainsi un pied-de-nez aux recruteurs d’Harvard) (44), le trio conduisit de nombreuses études sur l’activité électrique cérébrale. C’est l’époque où l’électroencéphalogramme était en plein essor, où Hans Berger avait rapporté la présence d’ondes alpha et bêta chez le sujet sain (45), où Fischer avait décrit les « pointes » (Krampfströme), présentes lors de convulsions expérimentales chez l’animal, et où Lennox, Gibbs et Gibbs, parmi d’autres pionniers américains de l’EEG, détaillèrent les « pointes-ondes », et autres modifications du rythme cortical lors des crises « petit mal » (absence) et « grand mal » (crise tonico-clonique généralisée) (46). De manière assez intéressante également, le trio insista sur l’origine psychogène des manifestations, lorsqu’elles se produisaient chez un patient dont l’enregistrement EEG effectué de manière concomitante restait normal (46).


Erna et Frederic Gibbs

En 1944, délaissant Gibbs et Gibbs, Lennox accomplit son rêve : fonder une unité spécialisée dans l’épilepsie (la Seizure Unit) au Children’s Medical Center de Boston. Dès lors, il s’attacha à comprendre et soigner l’épilepsie infantile, enregistrant des jumeaux pour étudier le caractère héréditaire, observant ses malades jusqu’à faire la première description du syndrome de Lennox-Gastaut, créant un enseignement en épileptologie, écrivant  240 articles et quatre livres, dont son chef-d’œuvre, Epilepsy and Related Disorders avec sa fille Margaret (47). Le « père de la lutte contre l’épilepsie » (41) fut membre de nombreuses associations, et reçut d’innombrables honneurs, parmi lesquels le prix Albert-Lasker en 1951.
Décrit comme sérieux, parfois un peu trop solennel, voire étrangement silencieux en public, « Oncle Bill », comme l’appelaient ses étudiants dans son dos, était en réalité amusant et d’une délicieuse compagnie dans la sphère privée (41). S’il se retrouvait face à un adversaire trop prétentieux, il pouvait néanmoins lui arriver de le piquer avec une répartie tranchante.
Retraité d’Harvard en 1958, il souffrit d’un accident vasculaire cérébral en 1960 qui le laissa aphasique et hémiparétique, ce qui ne l’empêcha pas de prononcer un discours poignant lors du dîner du Harvard Club du 12 juin 1960, organisé en son honneur. Ce 12 juin prit malheureusement un tournant tragique, puisque c’est dans la nuit que William Lennox s’endormit dans un coma dont il ne sortit plus. Il mourut le 21 juillet 1960, et put rejoindre Emma qui l’avait précédé en 1957.


Seizure Unit, Boston


41.       Gibbs FA. William Gordon Lennox 1884–1960. Epilepsia. 1961;2(1):1–8.

42.       The Lasker Foundation | Former Award Winners, Clinical Medical Research 1951 Obituary [Internet]. 2005. Available from: https://web.archive.org/web/20050112181945/http://www.laskerfoundation.org/awards/obits/lennoxobit.shtml
43.       Lennox WG, Vaughan JG. The health and turnover of missionaries [Internet]. New York: The Foreign Missions Conference; 1933. 217 p. Available from: https://catalog.hathitrust.org/Record/009974454
44.       Lennox WG, Gibbs FA, Gibbs EI. THE RELATIONSHIP IN MAN OF CEREBRAL ACTIVITY TO BLOOD FLOW AND TO BLOOD CONSTITUENTS. J Neurol Psychiatry. 1938 Jul;1(3):211–25.
45.       Tudor M, Tudor L, Tudor KI. [Hans Berger (1873-1941)--the history of electroencephalography]. Acta Medica Croat Cas Hravatske Akad Med Znan. 2005;59(4):307–13.
46.       Gibbs FA, Gibbs EL, Lennox WG. Epilepsy: a paroxysmal cerebral dysrhythmia. Epilepsy Behav. 2002 Aug 1;3(4):395–401.
47.       Lennox WG. Epilepsy and related disorders. Little, Brown; 1960. 622 p. 


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